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La peinture de paysage

Quelques généralités - Une courte histoire de la peinture de paysage

           

La peinture de paysage connait ses premières formes dans les tableaux dévotionnels de la Renaissance néerlandaise. La période du XVIe siècle est marquée par la Réforme Protestante qui bouleverse les représentations. Chez certains artistes, comme Joachim Patinir, les grands espaces prédominent sur des personnages religieux éloignés, poussant le spectateur à travailler sa vision autant corporelle que spirituelle. Chez d'autres c'est la nature morte qui vient faire barrière entre le spectateur et le sens caché de l’œuvre.

Cependant si la nature devient très importante à cette époque, elle est avant tout présente pour exalter la puissance divine, Dieu est partout car il est à l'origine de tout. En parallèle, des dessins préparatoires et des études de formes naturelles sont réalisées par les artistes mais le paysage seul, en tant que tel, n'est pas représenté.

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Joachim Patinir, Paysage avec sainte Marie Madeleine en extase, vers 1515.

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Nicolas Poussin, Cephalus et Aurora,  1630.

Avec l’académisation de la peinture au XIIe et XVIIIe siècles, le paysage prend place en bas de la hiérarchie des genres auprès de la nature morte. Cette classification des genres mise en place en 1667 par André Félibien vient affirmer la supériorité de la peinture d'histoire.

L’Académie Royale de Peinture et de Sculpture se veut dicter les préceptes à suivre en France en matière d’art et enseigner à une nouvelle génération d’artistes. La noblesse se situe, selon les règles de la peinture classique, dans la représentation de grands sujets moraux, tirés des textes bibliques et antiques. Les sujets religieux côtoient donc les scènes mythiques dans la grande peinture.

Les tableaux de Nicolas Poussin font l’objet de l’admiration des académiciens respectant avec soin la symétrie et les proportions. Le paysage fait donc simplement office d’arrière-plan pendant une grande partie de l’histoire de la peinture. C’est un décor en carton-pâte idéaliste où le beau et l'harmonie sont de mise et dans lequel se jouent des batailles, des scènes bibliques et des actes héroïques. L’académie rejette sans hésitation les travaux se correspondant pas à sa conception de la peinture. Elle possède le monopole de la théorisation artistique et de l'enseignement en France et influe le gout dans toutes les cours d'Europe. La peinture de paysage est enseignée mais non théorisée, c'est un aspect secondaire de la pratique artistique qui se base sur l'observation, et non une matière étudiée comme le serait l'anatomie.

Avec les tensions sociétales du XVIIIe siècle menant à la Révolution française, le pouvoir de l'Académie s'affaiblit en même temps que celui de la monarchie, des contestations internes apparaissent parmi les artistes et de nouveaux régimes d'images se développent.         

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Friedrich, La mer de glace, 1824.

Dans la deuxième moitié du XVIII siècle, avec les prémices du romantisme, une volonté de contrarier les dictats de l’académie apparait en France inspirée par les théories esthétiques anglaises et allemandes. En Allemagne Caspar David Friedrich (1774-1840) peint de grands paysages suscitant l’émotion chez le spectateur. Non pas un sentiment de responsabilité morale mais bien une fascination terrifiante devant la grandeur de la nature. On parle donc de sublime tel que le philosophe anglais Edmund Burke le définit dans sa Recherche philosophique sur l’origine de nos idées du sublime et du beau parue en 1757.

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« Tout ce qui est propre à exciter les idées de la douleur et du danger, tout ce qui est en quelque sorte terrible, est source du sublime, c’est-à-dire capable de susciter la plus forte émotion que l’âme puisse ressentir. »

Les tableaux de Friedrich sont à situer dans une continuité des œuvres de Patinir du point de vue de la rhétorique. Cependant ce n'est plus le personnage biblique mais le simple pèlerin, l'homme seul face à l'immensité de la nature qu'il représente. Ainsi dans une lettre à sa femme il écrit :

"Le soir je me promène à travers champs. Au-dessus de moi, l’azur. Autour de moi et à côté de moi, l’herbe, les arbres verdoyants. Mais je ne suis pas seul : celui qui créa ciel et terre est tout autour de moi" (1)

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En représentant Dieu partout et nulle part à la fois, Friedrich vient renverser la hiérarchisation des genres française dans une rhétorique imparable. Il met en place un nouveau type d'image tout en réemployant la tradition des tableaux dévotionnels du nord. La Nature est à la fois son sujet et son outil. Les immensités perturbantes qu'il représente suscite chez le spectateur une impression de petitesse et lui rappelle de caractère éphémère de son existence. "Par là, Friedrich tend à subvertir la hiérarchie académique des genres non seulement dans son ordre, mais aussi dans son principe même : si le paysage peut remplir les mêmes fonctions que la peinture d’histoire, alors l’idée même d’une hiérarchie des genres est obsolète." (2)

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John Constable, The Vale of Dedham, 1828.

La peinture de paysage anglaise quant à elle peut être analysée en deux parties.

 

Une qualifiée par les spécialistes de naturaliste. Cette partie de l'art se veut représenter l'environnement dans lequel évolue l'homme dans ses moindres détails à l'aube des révolutions industrielles. C'est une ode à la Nature puissante et sauvage encore intacte, ou encore à celle disciplinée par l'homme. De la forêt, aux champs et au moulin, les peintres paysagistes se consacrent à une représentation du monde qui les entoure, où l'homme n'est plus le sujet principal mais simplement une part de la Nature. Les artistes allemands soulignent la reproduction excellente de la nature par les paysagistes anglais tout en critiquant la liberté de leur touche. (3)

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L'autre part de la peinture de paysage anglaise peut être incarnée par Turner elle est fortement critiquée par l’école allemande. Il s'agit du paysage lumière, irréaliste, d'ombre et de feu. Il représente d'abord un espace détaillé dans lequel se joue une scène mythologique qui devient secondaire face à la Nature. Puis un train jaillissant des nuages alors même que l'industrialisation de l’Angleterre est en cours. La peinture de Turner, ses titres sollicitant un arrière-plan mythologique viennent à la rencontre du sublime et de l'imaginaire du spectateur. "Ce n’est plus un paysage qui est représenté sur la toile, déplorent les critiques, c’est la rêverie, voire l’hallucination du peintre, qui brouille les repères et fait disparaître le réel dans une nuée multicolore. L’idéal de clarté, de lisibilité que le modèle classique prisait par-dessus tout se trouve foulé aux pieds et le spectateur dérouté cherche en vain des repères familiers et s’écrie : « Mehr Natur, mehr Natur ! »" (3)

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Caspar David Friedrich, Le Voyageur contemplant une mer de nuages, 1818.

Turner, Rain, Steam and Speed, 1844.

(1) Lettre de Caspar David Friedrich à sa femme Caroline, 10 juillet 1822, in : CDF BB, p. 50. In : https://books.openedition.org/pub/49402#ftn7

(2) https://books.openedition.org/pub/49402#ftn7

(3) https://journals.openedition.org/trajectoires/2807

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Webographie

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Bibliographie

 

  • Decultot, Elisabeth. "Le retable-paysage de Tetschen une polémique romantique autour de Caspar David Friedrich".  Paysages romantiques [en ligne]. Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 2000. http://books.openedition.org/pub/49402 [consulté le 24.04.2022].

  • Gourbet, Violaine. « Les paysagistes anglais vus par les commentateurs allemands au XIXe siècle : copistes fidèles ou extravagants dramaturges », Trajectoires [En ligne], no 12, 2019.  http://journals.openedition.org/trajectoires/2807 [consulté le 24.04.2022].

  • Schneemann, Peter. « Composition du paysage et émergence du sens. La peinture de paysage et l’art des jardins autour de 1800 », Revue germanique internationale [en ligne], no. 7 , 1997. http://journals.openedition.org/rgi/621 [consulté le 23.04.2022].

  • Strick, Jeremy. “CONNAISSANCE, CLASSIFICATION ET SYMPATHIE : Les Cours de Paysage et La Peinture de Paysage Au XIXe Siècle.” Littérature [en ligne], no. 61, 1986, p.17–33. http://www.jstor.org/stable/23800030 [consulté le 23.04.2022].

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