La technique
La peinture aquarelle est une peinture à l’eau, constituée de pigments naturels ou artificiels et d’un liant soluble, dans la plupart des cas la gomme arabique. On la trouve sous plusieurs formes notamment le tube, inventé au XIXe siècle, permettant aux peintres paysagistes d’aller peindre sur le motif y compris à l'huile, ce qui n’était pas possible avant. L’aquarelle est une technique réversible, on peut rediluer la couleur apposée même une fois sèche. La peinture aquarelle est une technique qui nécessite un savoir-faire, la maitrise du mélange des couleurs et du niveau de dilution de la peinture. L’aquarelle est exposée et conservée en tant qu’art graphique en raison de son support papier. Les collections muséales ont donc mis en place des conditions de conservations appropriés à la fragilité du matériau, c’est-à-dire un contrôle de la luminosité, des températures et du taux d’humidité. « Qu’elle soit naturelle ou artificielle, la lumière entraîne des dommages irréversibles sur les objets. Elle est généralement constituée de radiations visibles, des radiations infrarouges (IR) et des radiations ultraviolettes (UV). Ces derniers, plus énergétiques, sont les plus nocifs, [ils] peuvent entraîner des transformations chimiques dans les matériaux organiques ». (3) La décoloration des couches de peinture et le jaunissement du papier étant les principaux risques à craindre.
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Aujourd’hui un grand nombre d’innovations ont permis de faciliter la pratique de l’aquarelle, mais à l’époque qui nous intéresse cela reste un art relativement complexe, même si non considéré comme tel. La plupart des aquarelles possédées par les institutions et collections privées sont en réalités des esquisses et des études réalisées avant de peindre un grand format.

L'invention de l'aquarelle
Les prémices de l’aquarelle étaient déjà visibles en Chine à l’Antiquité puis au Moyen Age en Europe. On constate en effet l'utilisation de certains pigments naturels et artificiels, tirés de végétaux et de minéraux broyés en poudre très fine, liés avec de l’eau. Cette technique était employée dans de nombreux manuscrits enluminés et illustrés. Le lavis translucide et l’encre se présentant comme une préfiguration du développement de l’aquarelle. Des textes d'époque témoignent de la fabrication de ces couleurs et de leur utilisation. Ces « dessins coloriés », ainsi désignés par Marie-Pierre Salé dans son ouvrage L’Aquarelle, proposés peu de teintes : du vert, du bleu, du rose et du brun. Au XVe siècle cette technique fut reprise afin de coloriser les estampes et resta très diffusée jusqu’au début du XIXe siècle. La gravure étant une technique largement employée car elle permettait de nombreuses impressions de la même matrice ainsi que la diffusion des estampes réalisées sur de longues distances, les « estampes coloriés » ont parcouru l’Europe.
Au XVe siècle Dürer se démarque pour l’utilisation de lavis colorés dans ses dessins naturalistes. Certaines planches représentent des motifs végétaux et animaux, tel que l’aile gauche d’un rollier bleu vers 1500, exposée au Palais Albertina de Vienne. Le peintre et graveur allemand mélange les médiums dans ses esquisses aquarellées qu’il produit en grand nombre. Il peint notamment les paysages vénitiens lors de son voyage en Italie. On peut considérer qu’il s’agit des premières aquarelles, en parallèle d’autres artistes comme Pisanello font de même. Le lavis coloré est par ailleurs très utilisé au XVIIe siècle, dans l’école du Nord, pour colorier les dessins, les études préparatoires ou encore les copies dans le cadre de l’atelier. Cependant cette pratique reste relativement faible et peu reconnue, "de sorte que même en 1829, [Jacques-Nicolas Paillot de Montabert] dans Le Traité complet de peinture mentionne l’aquarelle [...] comme un art qui ne mérite pas une attention sérieuse." (1) .
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Les miniaturistes au XVI et XVIIe siècle mêlent à la fois gouache et aquarelle dans leurs portraits miniatures réalisés sur vélin (« Peau de veau ou de mouton préparée pour l'écriture, la peinture, etc., plus lisse et plus fine que le parchemin ordinaire. ») (2) sont les prédécesseurs des aquarellistes en termes de techniques et d’outils, leurs problématiques étant similaire et nécessitant des innovations.
Albrecht Dürer, Aile de rollier bleu, 1500-1512
Évènements marquants
La réinvention du médium et l'école anglaise

Samuel Prout, Hôtel de ville d'Utrecht, 1841
Marie-Pierre Salé explique dans son ouvrage que le terme d'aquarelle est une invention française très tardive, le terme de "dessin colorié" ayant prédominé auparavant. Il n'est défini qu'à la fin du XVIIIe siècle dans l’Encyclopédie méthodique de l'écrivain et éditeur Charles-Joseph Panckoucke. Le terme était cependant déjà employé auparavant et le médium pratiqué depuis plusieurs décennies. Panckoucke selon Marie-Pierre Salé aurait peiné à définir le genre. La reconnaissance de l’aquarelle en tant qu'art à part entier vient avec le courant romantique qui traverse la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle, on peut parler de la réinvention de l’aquarelle au sein de l’école anglaise. L’âge d’or de l’aquarelle est marqué par des innovations de la part des artistes anglais, explorant les possibilités du médium. Certains se démarquent particulièrement et participent à la légitimation de la pratique. Dès les années 1760 avec les premières tablettes d'aquarelles commercialisées par le marchand de couleurs William Reeves puis au XIXe siècle avec l'entreprise de Winsor & Newton, respectivement chimiste et artiste, les inventions techniques permettent une diffusion large du genre.
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Les principales instances à retenir de cette période sont la Royal Academy et la Society of Painters in Water Colours qui furent en conflit concernant la pratique de l’aquarelle et dont la controverse mena à une nouvelle visibilité du médium. En effet d’abord pratique amatrice dans les hautes sphères de la société anglaise, les artistes aquarellistes rejetés par la Royal Academy of Arts décidèrent de se rassembler autour d’une association afin de traiter de la théorie de leur peinture. La première réunion de la Royal Watercolour Society eut lieu à Londres le 30 novembre 1804 dans un café rue d’Oxford, « Les membres fondateurs incluaient Samuel Shelley, William Frederick Wells, William Sawrey Gilpin et les frères, John et Cornelius Varley. » (5) L’objectif de ce rassemblement était de mettre en place une exposition annuelle des aquarelles réalisés par les artistes de la société.
Des professionnels de l'aquarelle se démarquent donc du reste de ces amateurs au début du XIXe siècle et l'aquarelle en tant que genre connait un succès grandissant auprès du public. Exposée par les "professional watercolourists" l'aquarelle est mise à l'égal du tableau peint à l'huile.
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L'implication de l'école anglaise comme école tutélaire du développement de l'aquarelle a été remise en cause et contrastée par les chercheurs. Cependant le rôle des artistes britanniques dans la diffusion et la légitimation de la pratique de l'aquarelle n'a pu être nié du fait que sa théorisation elle-même est le fait d'aquarellistes anglais à la fin du XVIIIe. (Voir l'ouvrage de Marie-Pierre Salé)
Alors que dès le XVe siècle des études de la nature étaient réalisées à la peinture à l'eau, l'aquarelle devient pour les peintres paysagistes de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle le moyen par excellence. Sa simplicité de transport et le simple pinceau permettant son utilisation, l'aquarelle démontre être le médium parfait pour illustrer les récits de voyages et ramener à l'atelier des paysages nouveaux. L'aquarelle permet aux artistes une grandes diversité de teintes et de contrastes en jouant avec la quantité d'eau ou encore en l'associant à la gouache. Des artistes se spécialisent dans la représentation des paysages anglais à l'aquarelle, que ce soit dans le cadre des transformations urbanistique des grandes villes à l'aube du XIXe siècle ou par gout de l'esthétique de la ruine. Samuel Prout souvent comparé à Turner, "le maitre de l'aquarelle" et parfois déprécié pour ses sujets, s'attache à la représentation des paysages urbains comme dans son œuvre de maturité Hôtel de ville d'Utrecht de 1841. Les architectes s'emparent par ailleurs du médium et à la fin du XIXe siècle, ils mettront en place des expositions afin de confronter leur travail au regard du public. Ces exhibitions d'aquarelles attireront l'attention des spectateurs alors même que le genre est entré dans les normes, lui offrant un autre renouveau.
L'aquarelle de nos jours
Kelli Paints, Watercolor painting process with relaxing music, 2020
(1) https://artacademieparis.com/histoire-daquarelle-technique-ancien/#page-content
(2) https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/v%C3%A9lin/81312
(3) https://multimedia-ext.bnf.fr/lettres/conservation/html/cn_act_num20_art5.htm
(4) https://www.winsornewton.com/na/heritage/our-history/
(5) https://www.royalwatercoloursociety.co.uk/archive/
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Webographie
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« Aquarelle ». In Wikipédia, 16 avril 2022 [en ligne]. https://fr.wikipedia.org/wiki/Aquarelle [consulté le 24.04.2022].
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Artacadémie. « Histoire d'aquarelle, technique ancien », 6 mars 2019. https://artacademieparis.com/histoire-daquarelle-technique-ancien/ [consulté le 24.04.2022].
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Beauxarts.fr. « Peinture Aquarelle ». https://www.beauxarts.fr/36-peinture-aquarelle [consulté le 16.04.2022].
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Bibliothèque nationale de France. « BnF-Professionnels : Conservation - La lumière : informations techniques ». Consulté le 16 avril 2022. https://multimedia-ext.bnf.fr/lettres/conservation/html/cn_act_num20_art5.htm [consulté le 16.04.2022].
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Centre de conservation du Québec. « Œuvres et documents papier ». https://www.ccq.gouv.qc.ca/index-id%3D151.html [consulté le 16.04.2022].
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Institut canadien de conservation. « Contenants de protection pour les livres et les oeuvres sur papier – Notes de l’Institut canadien de conservation (ICC) 11/1 », 14 septembre 2017. https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/publications-conservation-preservation/notes-institut-canadien-conservation/contenants-protection-livres-papier.html [consulté le 16.04.2022].
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Institut canadien de conservation. « Le soin des objets de papier - Lignes directrices relatives à la conservation préventive pour les collections », 27 avril 2018. https://www.canada.ca/fr/institut-conservation/services/conservation-preventive/lignes-directrices-collections/objets-papiers.html [consulté le 16.04.2022].
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Larousse Éditions. « Définitions : vélin». Dictionnaire de français Larousse. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/v%C3%A9lin/81312 [consulté le 23.04.2022].
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« Royal Academy ». In Wikipédia, 25 septembre 2020 [en ligne]. https://fr.wikipedia.org/wiki/Royal_Academy [consulté le 23.04.2022].
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Royal Watercolour Society. « Our History ». https://www.royalwatercoloursociety.co.uk/archive/ [consulté le 23.04.2022].
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« Samuel Prout ». In Wikipédia, 4 avril 2022 [en ligne]. https://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_Prout [consulté le 23.04.2022].
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Winsor & Newton - North America. « Our History ». https://www.winsornewton.com/na/heritage/our-history/ [consulté le 23.04.2022].
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Bibliographie
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Carré, Jacques. « Couleur et paysage dans la peinture romantique anglaise ». Romantisme [en ligne], 15, no 49, 1985, p.95‑107. https://doi.org/10.3406/roman.1985.4734 [consulté le 24.04.2022].
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Leymarie, Jean. L'Aquarelle. Genève: Skira, 1995.
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Paillot de Montabert, Jacques-Nicolas (1771-1849). Traité complet de la peinture. T. 1 [en ligne], 1829. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k206461q [consulté le 24.04.2022].
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Salé, Marie-Pierre. L'aquarelle. Paris: Citadelles & Mazenod, 2020, 415 p.
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Thomine-Berrada, Alice. « À propos des «â€¯Amants de la nature ». Les architectes et l’aquarelle à la fin du XIXe siècle ». Histoire de l’art [en ligne], 33, no 1, 1996, p.67‑81. https://doi.org/10.3406/hista.1996.2717 [consulté le 24.04.2022].
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Valeur, Bernard. "Chapitre 6 : La chimie crée sa couleur… sur la palette du peintre" In La chimie et l'art: Le génie au service de l'homme [en ligne], 129-168. Les Ulis: EDP Sciences, 2021. https://doi.org/10.1051/978-2-7598-0884-7-008 [consulté le 24.04.2022].
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